Fixation des quotas de pêche 2017
Pour de trop nombreux stocks, les ministres ne pourront pas suivre l’avis scientifique
Points clés
- Les 12 et 13 décembre prochains, les ministres des pêches de l’UE fixeront les quotas 2017, en principe en conformité avec les avis des scientifiques et avec l’objectif d’une pêche durable, capable de fournir le rendement maximum équilibré.
- Les avis scientifiques sont établis à l’échelle de stocks qui sont des unités biologiques fonctionnelles, dont les contours évoluent au fur et à mesure de l’avancée des connaissances.
- Les quotas de pêche se réfèrent quant à eux à des unités de gestion, fixées en 1982 et qui n’ont pas ou peu évolué depuis.
- Il existe ainsi une discordance croissante entre la réalité biologique et les mesures de gestion mises en œuvre. Il s’ensuit un processus de fixation des quotas très complexe et souvent opaque pour l’ensemble des acteurs.
- Et surtout, ces discordances sont source de risques pour la durabilité de la ressource biologique. Elles compromettent, pour les stocks concernés, l’objectif d’une gestion au rendement maximum durable.
* Certaines zones ont été simplifiées pour un meilleur rendu visuel
Quatre cas présentés :
- Cas 1: concordance unité de gestion – unité fonctionnelle
Exemple : Sole du Golfe de Gascogne (cas similaires : sole de Manche Ouest, cabillaud de mer d’Irlande, plie de mer Celtique ou d’Irlande, langoustine du golfe de Gascogne,…)
L’unité de gestion sur laquelle s’applique le TAC (délimitée en rouge) est exactement conforme à l’unité fonctionnelle (ou stock) définie par les scientifiques.
Risque : Aucun, il s’agit de la situation idéale en théorie. - Cas 2 : L’avis scientifique donne lieu à plusieurs TAC
Exemple : Maquereau européen (cas similaires : cabillaud de mer du Nord, plie de mer du Nord/Skagerrak, merlu Nord, lieu jaune,…)
Le stock (unité biologique fonctionnelle) couvre tout l’Atlantique Nord-Est, tandis que les quotas sont définis dans trois zones différentes : côtes Ibériques, mer Celtique-golfe de Gascogne, et grande mer du Nord.
Risque : Manque de transparence, mais pas de conséquences à priori, à condition néanmoins que la somme des TAC ne dépasse pas la recommandation scientifique établie pour l’ensemble du stock (unité fonctionnelle). Ce cas peut être positif lorsqu’il permet de limiter la pêche dans des zones particulièrement vulnérables (zones de ponte, nourriceries). - Cas 3 : Un TAC regroupe plusieurs avis
Exemple : Langoustines de mer du nord (cas similaires : langoustines de mer Celtique, ainsi que des regroupements d’espèces tels que Baudroies blanches et brunes de mer Celtique, limande sole,…)
Un seul quota (TAC) est défini pour toute la mer du Nord, alors même que 11 stocks différents y sont présents.
Risque : Surexploitation des stocks en mauvais état. Les recommandations scientifiques (CIEM1, CSTEP2) rappellent tous les ans le risque associé à cette situation. Les réticences des gestionnaires proviennent de la difficulté de redéfinir les clés de répartition des quotas, à l’échelle des unités fonctionnelles. Les difficultés de contrôle peuvent s’y ajouter lorsqu’il est difficile de distinguer les stocks dans les captures. - Cas 4 : Déconnexion entre unité de gestion et unité d’avis scientifique (découpage et/ou recombinaison de zones d’avis, mélange des cas précédents)
Exemple : Merlan (cas similaires : lieu noir, cardine, hareng de ouest-Écosse et ouest-Irlande,…)
Les unités de gestion (lignes orange – rouge) ne recoupent pas les unités biologiques fonctionnelles (surfaces bleues). Le quota de mer Celtique-Manche concerne par exemple une fraction du stock mer du Nord-Manche Est.
Risque : Manque de transparence et possible surexploitation des stocks en mauvais état. Dans ce cas, le CIEM1 formule parfois des recommandations sur la meilleure manière de répartir les captures préconisées pour un stock entre unités de gestion. Mais généralement il est difficile de savoir si l’avis scientifique est (ou non) pris en compte. Et surtout, comme dans le cas 3, rien ne garantit qu’une fraction de stock agrégée à une autre ne soit pas surexploitée.
1CIEM : Conseil international pour l’exploration de la mer qui définit les unités fonctionnelles et fournit les recommandations de capture.
2CSTEP: Comité scientifique, technique et économique de la pêche qui apporte son concours à la Commission européenne pour l’aider à mettre en œuvre la politique commune de la pêche (PCP) de l’UE.
Relai dans la presse :
- Quotas : un zonage incohérent selon l’Association française, Le marin, 01/12/2016 (Édition web abonnés)